La hausse du tabagisme depuis 2019 et les résultats du Baromètre cancer INCa 2021 alarment sur la perception qu’ont les Français du vapotage. Il est nécessaire que les pouvoirs publics réintègrent la réduction des risques à la stratégie de lutte contre le tabagisme et reprennent le dialogue avec les parties concernées.
Ces derniers jours, les médias ont rapporté massivement des demandes floues, mais inquiétantes, d’interdiction des arômes de vapotage[1]. Alors que le projet de renouvellement du Programme national de lutte contre le tabac (PNLT) est sur le bureau de la première ministre, nous constatons l’absence de dialogue avec les parties prenantes.
Pourtant, les concertations et l’intégration de la réduction des risques entre 2016 et 2018 avaient initié, avant même les hausses des taxes sur le tabac, une baisse sans précédent du tabagisme, passé de 35,1 % en 2016 à 30,4 % en 2019[2]. Une enquête de Santé publique France (SPF) menée en 2017 recensait déjà près de 870 000 ex-fumeurs attribuant au vapotage la réussite de leur sevrage tabagique[3].
Malheureusement, les pouvoirs publics ont progressivement clos différentes initiatives, dont le groupe de travail vapotage au sein de la DGS, la participation de groupes d’usagers au Mois Sans Tabac[4], la promotion de l’aide du vapotage à l’arrêt tabagique, etc. Depuis 2019, le tabagisme adulte est reparti à la hausse en France malgré de fortes hausses du prix du tabac.
Selon les dernières données de Santé publique France, le taux de tabagisme des adultes est remonté de 30,4 % en 2019 à 31,9 % (25,3 % au quotidien) en 2021[5]. À l’opposé, en suivant des stratégies intégrant la réduction des risques, les Néo-Zélandais ont vu leur tabagisme chuter de près d’un tiers (14,7 % à 10,9 %[6], pour les plus de 15 ans) et les Anglais de près d’un quart (de 16,3 % à 12,6 %[7]) sur la même période.
De fausses perceptions d’une ampleur vertigineuse
Récemment, le Baromètre cancer 2021, collaboration de l’Institut national du cancer (INCa) et Santé publique France[8], a pour la première fois évalué la perception des Français sur la cigarette électronique. Cette étude confirme l’état inquiétant de mésinformation sur la réduction des risques, déjà mis en lumière par le dernier sondage BVA pour SOVAPE réalisé en septembre 2022[9] pour la quatrième année consécutive.
Les principales données du Baromètre Cancer 2021 concernant le vapotage montrent que :
- 79,4 % des Français pensent que la cigarette électronique peut provoquer le cancer ;
- 52,9 % des Français considèrent la cigarette électronique est aussi ou plus nocive que la cigarette traditionnelle ;
- 79,8 % des personnes interrogées considèrent la nicotine contenue dans la cigarette électronique comme nocive et 70 % ont la même opinion en ce qui concerne les arômes ;
- 82,7 % des répondants pensent que la nicotine contenue dans la cigarette électronique peut provoquer un cancer.
Le doute grandit dans l’esprit des Français et s’installe durablement
Face à cette situation, SOVAPE souhaite rappeler des faits. Le tabagisme est la première cause de morts évitables et à l’origine de 20 % des cancers et 80% des cancers du poumon[10]. La cigarette tue 75 000 personnes en France prématurément chaque année[11]. Ne plus ou ne pas fumer supprime tous les risques du tabagisme.
Aujourd’hui, vapoter est beaucoup moins risqué que fumer comme le démontrent de très nombreuses études scientifiques à travers le monde[12]. Toute personne qui remplace la fumée du tabac par le vapotage réduit de façon très significative les risques pour sa santé.
Le vapotage est une des aides les plus efficaces pour arrêter le tabagisme. En France, les études en population de Santé publique France ont montré que le vapotage était l’aide au sevrage tabagique la plus utilisée[13] et avec une efficacité double de celle des substituts pharmaceutiques[14]. Ceci confirme les études cliniques, revues et analysées avec un haut niveau de preuves par l’Institut Cochrane[15].
Des millions d’ex-fumeurs le confirment aussi, que ce soit dans leurs réponses au Baromètre cancer 2021 (INCa-SPF), ou lors de l’Eurobaromètre de la Commission européenne[16]. Avec plus de 37 000 participants, l’enquête de l’European Tobacco Harm Reduction Advocate (ETHRA)[17] montre aussi l’importance des arômes pour le sevrage tabagique et son maintien. Près de 95 % des utilisateurs de vape européens utilisent au moins un autre arôme que l’arôme « tabac ».
Une récente étude américaine montre, sur un échantillon de plus de 17 000 personnes, que les fumeurs qui ont choisi de vapoter avec des arômes autres que « tabac » étaient plus susceptibles d’arrêter de fumer (27,2 %) que ceux qui utilisaient exclusivement des arômes tabac (20,6 %), et que ceux qui n’avaient pas intégré le vapotage dans leur stratégie d’arrêt (16,1 %)[18].
Avec plus de 15 ans de recul, la vape n’a provoqué à ce jour aucun effet négatif majeur sur la santé des personnes. La principale inquiétude en matière de santé publique évoque les adolescents. Sur ce point particulier, le tabagisme juvénile connait une chute sans précédent depuis 2014 en France[19]. Les analyses scientifiques de l’Observatoire des drogues et toxicomanie (OFDT) et de l’INSERM, ont montré un affaissement de près de 40% du risque d’entrer dans un tabagisme quotidien associé à l’utilisation d’une vape dans un panel de plus de 39 000 adolescents[20].
Informer des risques et des bénéfices
Face à une dégradation de l’information sur la réduction des risques, le public est livré à lui-même.
Les professionnels de la vape sont contraints au silence, en effet, la publicité ou la propagande pour le vapotage sont interdites sous peine d’amende pouvant aller jusqu’à 100 000 €. Les médias relaient majoritairement les messages sensationnalistes, négatifs et anxiogènes.
Malgré le principe de précaution, ayant valeur constitutionnelle, les pouvoirs publics en mesure d’informer la population sur la balance bénéfices/risques du vapotage par rapport au tabagisme échouent à le faire. Le doute prospère et prolonge inutilement le tabagisme de ceux qui hésitent.
Cette situation affecte gravement la lutte contre le tabagisme en France.
La science doit prévaloir
À raison de plusieurs centaines d’études et publications chaque année, la quantité de données et la littérature scientifique (clinique et populationnelle) sur le vapotage est considérable, mais d’une qualité très variable. En résumé, les critères de qualité que nous avions communiqués au Haut Conseil pour la Santé Publique avant son rapport[21]:
- garder un esprit critique, notamment envers les études provenant de l’industrie du tabac, et d’opposants à la réduction des risques prêts à publier des études biaisées, parfois rétractées en raison de graves défaillances méthodologiques ;
- les études toxicologiques sur le vapotage devraient toujours le comparer à la cigarette fumée, au tabac chauffé et à l’air ambiant pour évaluer les risques relatifs dans une approche de continuum ;
- discerner les études et données en fonction de leurs contextes, notamment législatifs ;
Par précaution, face au danger et méfaits avérés du tabagisme, nous appelons les pouvoirs publics à :
- adopter une véritable approche de réduction des risques, face aux dangers avérés du tabagisme, tel le Parlement européen dans son Rapport BECA ;
- adopter une communication claire à destination du grand public, sur les grandes différences de risques entre fumer et vapoter, et l’absence de cancérogénicité de la nicotine – en dehors d’une consommation par voie fumée – (vapotage, substituts nicotiniques) ;
- adopter une démarche associant l’ensemble des acteurs, y compris SOVAPE, dans l’élaboration du prochain PNLT, réactiver le groupe de travail vapotage mené par la DGS et promouvoir les droits individuels et collectifs des usagers.
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RÉFÉRENCES
- Propositions du CNCT : les professionnels de la vape dénoncent des demandes absurdes et contre-productives dans la lutte contre le tabagisme https://fivape.org/propositions-du-cnct-les-professionnels-de-la-vape-denoncent-des-demandes-absurdes-et-contre-productives-dans-la-lutte-contre-le-tabagisme/
- BEH n° 15 2019, Éditorial de François Bourdillon. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/tabac/documents/article/1-6-million-de-fumeurs-en-moins-en-deux-ans-des-resultats-inedits-editorial
- Baromètre de Santé publique France 2017. Usage de la cigarette électronique, tabagisme et opinions des 18-75 ans https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/tabac/documents/enquetes-etudes/barometre-de-sante-publique-france-2017.-usage-de-la-cigarette-electronique-tabagisme-et-opinions-des-18-75-ans
- Enquête sur le vapotage pendant le Mois Sans Tabac 2017 https://www.sovape.fr/rapportmst/
- L’interruption de la baisse de la prévalence du tabagisme se confirme en 2021 https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2022/l-interruption-de-la-baisse-de-la-prevalence-du-tabagisme-se-confirme-en-2021
- Indicateurs ministère de la Santé Néozélandais https://minhealthnz.shinyapps.io/nz-health-survey-2021-22-annual-data-explorer/_w_1bf056c6/#!/explore-indicators
- Dataset Adult smoking habits in England https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/healthandsocialcare/healthandlifeexpectancies/datasets/adultsmokinghabitsinengland
- Attitudes et comportements des Français face au cancer, résultats du 4e Baromètre Cancer https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2023/attitudes-et-comportements-des-francais-face-au-cancer-resultats-du-4e-barometre-cancer
- Vapoter ou fumer : le doute grandit et s’installe durablement dans l’esprit des Français – Sondage BVA pour SOVAPE Vapoter ou fumer, le doute s’installe dans l’esprit des Français (sovape.fr)
- Appel aux médecins à soutenir l’opportunité du vapotage pour la lutte contre le cancer https://www.sovape.fr/appel-medecins-opportunite-vapotage-lutte-contre-le-cancer/
- Santé publique France – Déterminants de santé / Tabac https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/tabac
- Warner, K.E., Benowitz, N.L., McNeill, A. et al. Nicotine e-cigarettes as a tool for smoking cessation. Nat Med (2023). https://doi.org/10.1038/s41591-022-02201-7
- Tentatives d’arrêt du tabac, aides utilisées et maintien de l’abstinence tabagique : une analyse rétrospective des données du Baromètre de Santé publique France 2017 https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/tabac/documents/article/tentatives-d-arret-du-tabac-aides-utilisees-et-maintien-de-l-abstinence-tabagique-une-analyse-retrospective-des-donnees-du-barometre-de-sante-pu
- Mathilde Fekom, Tarik El Aarbaoui, Romain Guignard, Raphaël Andler, Guillemette Quatremère, Simon Ducarroz, Viêt Nguyen-Thanh, Maria Melchior : Use of tobacco cessation aids and likelihood of smoking cessation: A French population-based study, Preventive Medicine Reports, Volume 30, 2022, 102044 https://doi.org/10.1016/j.pmedr.2022.102044
- Latest Cochrane Review finds high certainty evidence that nicotine e-cigarettes are more effective than traditional nicotine-replacement therapy (NRT) in helping people quit smoking https://www.cochrane.org/news/latest-cochrane-review-finds-high-certainty-evidence-nicotine-e-cigarettes-are-more-effective
- Attitudes of Europeans towards tobacco and electronic cigarettes https://health.ec.europa.eu/publications/attitudes-europeans-towards-tobacco-and-electronic-cigarettes-1_en
- The EU Nicotine Users Survey 2020 – European Tobacco Harm Reduction Advocates (ETHRA) – Juin 2021 https://ethra.co/downloads/1-surveys/2-eu-ethra-2021?download=1:rapport-ethra-survey-2020-fr
- Yoonseo Mok, MPH, Jihyoun Jeon, PhD, David T Levy, PhD, Rafael Meza, PhD, Associations Between E-cigarette Use and E-cigarette Flavors With Cigarette Smoking Quit Attempts and Quit Success: Evidence From a U.S. Large, Nationally Representative 2018–2019 Survey, Nicotine & Tobacco Research, Volume 25, Issue 3, March 2023, Pages 541–552 https://doi.org/10.1093/ntr/ntac241
- ESCAPAD, 20 ans d’observation des usages à l’adolescence, OFDT, Mars 2022 https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/epfxmg2c3.pdf
- Sandra Chyderiotis, Tarik Benmarhnia, François Beck, Stanislas Spilka, Stéphane Legleye. Does e-cigarette experimentation increase the transition to daily smoking among young ever-smokers in France?, Drug and Alcohol Dependence, Volume 208, 2020, 107853, https://doi.org/10.1016/j.drugalcdep.2020.107853
- SOVAPE ne partage pas l’avis du HCSP, l’association rend public ses travaux https://www.sovape.fr/sovape-ne-partage-pas-lavis-du-hcsp-lassociation-rend-public-ses-travaux/