REF : #5 • JANVIER 2024 | VERSION .PDF
Les sénateurs entament l’examen de la proposition de loi visant à interdire les puffs. L’Assemblée nationale, l’a adoptée en décembre, sans étude d’impact. Selon l’analyse de SOVAPE, cette mesure pourrait renvoyer une partie du million d’utilisateurs au tabagisme. Des mesures d’accompagnement sont indispensables.
SOMMAIRE
- Introduction
- Le vapotage réduit significativement les risques et méfaits du tabagisme
- La vape est l’aide la plus efficace pour arrêter de fumer
• Études cliniques
• Données en population - Pourquoi la puff cartonne auprès des fumeurs à bas revenu ?
- Des équivalences hasardeuses entre puffs et cigarettes
- L’état de désinformation des français sur la réduction des risques face au tabagisme
- Puffs prohibées, cigarettes légales : un progrès de santé publique ?
- L’importance d’informer le public sur les circuits de recyclage
- En résumé
La vape jetable est vouée à disparaître en France, une directive européenne en a déjà fixé la date. La commercialisation de produits contenant une batterie au lithium inamovible sera interdit à partir de la fin 2026 [1]. La mesure concernant ce type de batteries, dont l’une des qualités est de pouvoir être rechargée des milliers de fois, paraît sensée pour améliorer la réparabilité et éviter le gâchis de ressource. Aucune association de défense des usagers de vape ne s’y est d’ailleurs opposée.
En dépit de cette disparition déjà programmée des puffs, la proposition de loi déposée par les députés F. Pasquini et M. Lauzana veut les interdire en France. En cas d’adoption du texte par le parlement, la validation par la Commission européenne et l’absence de validation de recours constitutionnel, cette interdiction pourrait entrer en vigueur quelques mois avant la directive déjà adoptée.
D’un point de vue pragmatique, la proposition de loi paraît donc peu utile. Cependant, les débats qui l’accompagnent pourraient ouvrir une discussion nécessaire sur la place de la réduction des risques dans la stratégie de lutte antitabac en France. Au moment où nous publions cette note, le Sénat entame son examen de la proposition de loi et tout est encore possible. En décembre, les échanges à l’Assemblée nationale étaient complètement passés à côté de cette opportunité.
Pourtant, près de 15 millions de Français fument, dont 13 millions quotidiennement. Le tabagisme est la première cause évitable de maladies entraînant la mort prématurée de près de 75 000 personnes chaque année, selon les estimations. Après une chute inédite au 21e siècle entre 2016 et 2019, la prévalence du tabagisme s’est depuis bloquée [2].
Aucune donnée solide n’existe sur les usagers de puffs en France. Cependant, des données fiables évaluent à 2,6 millions les utilisateurs de puffs au Royaume-Uni [3]. Selon les consultants en intelligence économique, les puffs représentent une croissance de 50% du marché de la vape [4], tandis que SPF a estimé à 6,2% la part de la population française vapoteuse en 2022. A partir de ces données, il paraît raisonnable d’estimer, dans une fourchette large, qu’il y a entre un et deux millions d’utilisateurs de puffs en France.
Que va-t-il se passer pour ces personnes avec l’interdiction des vapes jetables ? La cigarette sera-t-elle l’alternative aux puffs ? La proposition de loi ne propose rien. A partir des éléments d’analyse qui suivent, SOVAPE estime au contraire qu’il est essentiel de prévoir des mesures compensatoires pour aider les utilisateurs de puffs à ne pas retomber dans le tabagisme. Un passage de la TVA à taux réduit (5,5%), au même titre que pour les préservatifs, sur les produits de vape rechargeables (électriquement) et remplissables (en e-liquide), les moins impactant écologiquement, faciliterait une réduction des risques très significative pour les fumeurs à bas revenu, principaux utilisateurs de puff.
LE VAPOTAGE RÉDUIT SIGNIFICATIVEMENT LES RISQUES ET MÉFAITS DU TABAGISME
Le tabac fumé tuerait prématurément près d’un utilisateur sur deux à long terme, écourtant sa vie de 14 ans. Ainsi, près de 75000 Français décèderaient prématurément à cause du tabagisme chaque année, selon les estimations. Le tabagisme provoque notamment cancers, problèmes cardio-vasculaires et respiratoires. Nonobstant la réduction d’espérance de vie, le tabagisme dégrade la qualité de vie des fumeurs.
Lorsqu’une personne cesse de fumer, elle supprime en grande partie le risque tabagique. Le risque résiduel est d’autant plus limité que cet arrêt intervient tôt dans la vie. En fonction de leur gravité, certaines atteintes peuvent se résorber. Par exemple, le fumeur retrouve son goût et l’odorat après quelques semaines, sa circulation sanguine s’améliore au fil des mois et son risque de cancer s’amenuise au cours des années.
L’arrêt tabagique avec l’aide du vapotage, puis l’arrêt du vapotage, constitue un arrêt tabagique au même titre que les autres. 2,1% des Français sont dans cette situation, selon l’enquête de santé de Santé publique France 2022. Au total, près de la moitié des vapoteurs qui ont arrêté de fumer grâce à la vape arrêtent ensuite de vapoter.
L’arrêt tabagique obtenu par la substitution complète par le vapotage, maintient un faible niveau de risque. En l’absence de combustion, le vapotage supprime ou réduit drastiquement les risques du tabagisme associés à l’inhalation de particules solides, de monoxyde de carbone et de la plupart des nombreuses substances cancérigènes identifiées dans la fumée de cigarette et absentes de l’aérosol produit par la vapoteuse. L’évaluation scientifique annuelle menée par l’Office for Health Improvement and Disparities (OHID – ex-Public Health England) depuis 2015, a estimé que vapoter représente une réduction du risque d’au moins 95% par rapport à fumer (détail plus bas). En 2022, 2,3% des Français sont vapoteurs exclusifs ayant arrêté de fumer, selon SPF.
Les fumeurs utilisant conjointement le vapotage (“double-usagers”) fument en moyenne dix cigarettes de moins par jour qu’avant leur utilisation du vapotage. Cette réduction de la quantité de tabac fumé implique une réduction des risques associés au tabagisme, mais elle est non proportionnelle. La réduction des risques au niveau cardio-vasculaires notamment est faible. Pour un effet sanitaire significatif, le point important est l’arrêt complet du tabagisme. Cependant, la réduction du nombre de cigarettes consommées quotidiennement augmente les chances d’arrêt complet à terme.
Dans un souci de santé publique, des messages encourageant les double-usagers à totalement passer au vapotage seraient souhaitables. Alors que la part de double-usagers sur l’ensemble des vapoteurs en France a décru durant la période d’ouverture à la réduction des risques du ministère de la santé entre 2015 et 2018, cette proportion est malheureusement remontée depuis 2019 et la multiplication de messages anxiogènes sur le vapotage diffusés dans les médias.
Selon l’INCA, « Les cancers liés au tabac sont dus à de nombreuses substances cancérigènes (benzène, l’arsenic, le chrome, etc.), tandis que le monoxyde de carbone et les particules fines produits par la fumée sont les principaux responsables des maladies cardiovasculaires et que les particules solides présentes dans cette fumée jouent un rôle important dans la survenue d’une insuffisance respiratoire. Ces produits n’existent pas à des taux significatifs dans la “vapeur” des e-cigarettes. »
Sur les 7000 composés de la fumée de cigarette, plus de 6900 sont totalement absents de l’aérosol de vapotage. Le niveau des toxiques encore présents dans le vapotage est réduit d’au moins 95% par rapport à la fumée de cigarette. C’est la raison pour laquelle les auteurs du rapport scientifique annuel pour le gouvernement anglais ont évalué que le risque de vapoter est dans une fourchette d’au moins 95% de réduction des risques par rapport à fumer.
« L’estimation selon laquelle vapoter est environ 95% plus sûr que fumer est basé sur les faits suivants :
- Les substances nocives présentes dans la fumée de cigarette – y compris carcinogènes – sont absentes du vapotage ou, si elles sont présentes, elles le sont à des niveaux bien inférieurs à 5% de ceux de la fumée de tabac (le plus souvent inférieurs à 1% et bien en deçà des limites de sécurité pour l’exposition professionnelle) ;
- Les principales substances chimiques présentes dans les e-cigarettes n’ont pas été associées à un risque sérieux ».
Public Health England, Underpinning evidence for the estimate that e-cigarette use is around 95% safer than smoking: authors’ note, 2015 [5].
Cette évaluation scientifique est toujours valable dans l’édition 2022 du rapport [6]. D’ailleurs, des études toxicologiques plus récentes ont confirmé ces ordres de grandeur. Notamment, celle de l’institut Pasteur Lille [7] qui a analysé les émissions de tabac/tabac chauffé/trois dispositifs de vapotage. Elle démontre que le vapotage réduit de 99,8% des carbonyles et jusqu’à 99,2% des hydrocarbures aromatiques polycycliques par rapport à la fumée de tabac, davantage que le tabac chauffé. L’institut appelle néanmoins à la prudence avant d’extrapoler une réduction des méfaits proportionnelle à la réduction des émissions.
Il n’est pas inutile de citer le travail exceptionnel de chercheurs publics intitulé « Balancing Consideration of the Risks and Benefits of E-Cigarettes » dans la revue américaine AJPH [8] en septembre 2022. Ces travaux avec très grande objectivité font le point sur l’état de la recherche concernant les produits de la vape.
Les auteurs soulignent que : « De nombreux scientifiques ont conclu que le vapotage est probablement nettement moins dangereux que le tabagisme pour les raisons suivantes :
Le nombre de produits chimiques dans la fumée de cigarette, supérieur à 7000, dépasse celui de l’aérosol de cigarette électronique de 2 ordres de grandeur.
- Parmi les substances potentiellement toxiques communes aux deux produits, la fumée de cigarette contient généralement des quantités nettement plus importantes que l’aérosol de cigarette électronique. Cependant, l’aérosol de cigarette électronique contient certaines substances qui ne se trouvent pas dans la fumée de cigarette.
- Les biomarqueurs reflétant l’exposition à des substances toxiques sont présents à des niveaux beaucoup plus élevés chez les fumeurs exclusifs de cigarettes que chez les vapoteurs exclusifs, et les études sur les fumeurs qui passent aux cigarettes électroniques ont révélé une diminution des expositions aux substances toxiques.
- Les tests de la fonction pulmonaire et vasculaire indiquent une amélioration chez les fumeurs de cigarettes qui passent aux cigarettes électroniques. Les utilisateurs exclusifs de cigarettes électroniques (la plupart étant d’anciens fumeurs) signalent moins de symptômes respiratoires que les fumeurs de cigarettes et les doubles utilisateurs. Cependant, des questions demeurent. Les recherches en cours permettront de mieux comprendre les dangers absolus et relatifs des produits. »
Il est impossible d’affirmer que le vapotage est dénué de risque. Il s’agit d’un produit de réduction des risques. Les substituts nicotiniques ne sont pas non plus inoffensifs, les notices d’utilisation signalent de nombreux effets secondaires possibles, et pas seulement liés à la présence de nicotine. L’innocuité totale n’est scientifiquement pas démontrable, pour le vapotage comme pour tout autre produit de consommation, comme pour eux, la normalisation est centrale pour la sécurité des consommateurs.
LA VAPE EST L’AIDE LA PLUS EFFICACE POUR ARRÊTER DE FUMER
ÉTUDES CLINIQUES
La revue d’études cliniques de Cochrane synthétise l’état des connaissances sur l’efficacité du vapotage pour l’arrêt tabagique. Sa rigueur scientifique reconnue et ses mises à jour régulières en font le meilleur outil actuel pour cette évaluation. La mise à jour du 8 janvier 2024 [9], analysant 88 études cliniques sur le sujet, établit avec un « haut niveau de certitude » que le vapotage avec nicotine est 1,59 fois plus efficace que les substituts nicotiniques (gommes et patchs) pour arrêter de fumer. Les effets secondaires des deux aides semblent d’être de niveau similaire (OR 1,03) avec un niveau de preuve modéré.
Cochrane a également procédé à une comparaison plus large des données sur les différents moyens d’arrêt tabagique en 2023 (qui ne comprend donc pas les publications des derniers mois). Le vapotage avec nicotine apparaît dans les études cliniques comme le moyen le plus efficace pour arrêter de fumer, un peu au-dessus du Champix (Varénicline) et de la Cytisine (Tabex) [10].
Cependant dans le contexte français, ces deux médicaments ne sont pas disponibles : Pfizer a cessé de distribuer le Champix en 2020, tandis que la Cytisine n’a jamais été homologuée par l’ANSM, en dépit de 60 ans de recul et d’études internationales concluantes sur son efficacité et sa relative sécurité. En l’état, les fumeurs français n’ont que le vapotage comme aide efficace à disposition pour tenter de cesser de fumer, ou les substituts nicotiniques avec un niveau d’efficacité moindre.
DONNÉES EN POPULATION
Outre les études cliniques, les données en population confirment que le vapotage est une aide majeure utilisée pour arrêter de fumer. Le dernier baromètre 2022 de Santé publique France (SPF) [11] montre que 4,4% des Français ont cessé de fumer en ayant utilisé le vapotage, dont près de la moitié (2,1%) ont également arrêté de vapoter.
Selon le Baromètre santé 2017 [12] publié par SPF, 870 000 ex-fumeurs déclaraient que la vape les a aidés à arrêter de fumer (dont 700 000 ex-fumeurs depuis au moins 6 mois). En 2017, SPF avait également évalué les aides utilisées lors des tentatives d’arrêt tabagique en France : derrière les tentatives franches (sans aide – qui concerne près de la moitié des tentatives), le vapotage apparaissait comme le moyen le plus populaire d’aide à l’arrêt (26% des tentatives avec une aide) [13].
Cependant, il n’existe pas à notre connaissance d’évaluation plus récente de ce point essentiel pour piloter une politique sur le tabac. Il est possible que la dégradation de la situation sur le tabagisme en France suite au changement de politique des autorités de santé depuis 2019, passant d’une ouverture à la réduction des risques à une hostilité grandissante à son encontre, fasse que ce taux de recours au vapotage pour arrêter de fumer ait évolué. Les doutes instillés sur le vapotage ne sont pas de nature à motiver les fumeurs à adopter une démarche de réduction des risques.
Les données des baromètres de Santé publique France [14] [15] montrent une baisse de 5,4 points de pourcentage de la prévalence du tabagisme quotidien entre 2016 [16] et 2019, accompagné d’une hausse de 1,9 point de l’usage quotidien du vapotage et d’une hausse de 1,2 point des ex-fumeurs ex-vapoteurs. Cette période est la seule à avoir connu une chute significative du taux de fumeurs en France durant le 21e siècle.
L’Institut national français de la santé et de la recherche médicale (INSERM) avait déjà constaté que « l’utilisation de la cigarette électronique était associée à la réduction du tabagisme et à la tentative d’arrêt du tabac pour les personnes qui l’ont utilisée pendant moins d’un an ». Les auteurs notaient que « des avantages supplémentaires sont attendus avec une durée d’utilisation plus longue ».
Dans un souci d’initier et d’évaluer l’efficacité du vapotage avec un soutien par les pairs pour arrêter de fumer, SOVAPE a mené une enquête [17] auprès des membres du groupe Facebook d’autosupport « Les Vapoteurs #MoisSansTabac » initié par Santé publique France à l’occasion du Mois Sans Tabac 2017. Il en résulte que 38% des participants étaient devenus non-fumeurs à 5 mois, soit environ 10 fois plus de chance d’arrêter qu’avec un arrêt franc sans aucune aide.
En Angleterre, l’agence de Santé publique anglaise Office for Health Improvment and Disparities (OHID, ex-Public Health England), estime dans son 8e rapport annuel sur le vapotage en 2022 [18] que la performance d’arrêt du tabac dans les Stop Smoking Services avec la vape (avec donc un accompagnement de soutien) atteint entre 55 et 78% de réussite.
Selon l’Eurobaromètre 2021 publié par la Commission européenne, 30% des Européens qui ont essayé le vapotage ont réussi à arrêter de fumer, tandis que 27% ont réduit leur consommation de tabac [19].
POURQUOI LA PUFF CARTONNE AUPRÈS DES FUMEURS À BAS REVENU ?
À notre connaissance, le prix d’une puff est d’environ 9 €, avec ou sans nicotine. L’impact du prix est tributaire du pouvoir d’achat du consommateur. Pour le tiers des Français les plus modestes, où les taux de tabagisme tant adulte qu’adolescent sont les plus élevés, 9 € pour un produit de consommation courante peut être une somme non négligeable en regard de revenu en deçà de 1400 € mensuel.
Il n’existe aucune étude française permettant d’avoir un panorama des usagers de puffs. Cependant, le système de monitorage britannique a permis de brosser un portrait basé sur 70 000 personnes interrogées. Il ressort de l’étude [20], que les puffs sont, au Royaume-Uni, proportionnellement surtout utilisées par de bas revenus, de jeunes adultes, et des personnes ayant eu des troubles mentaux.
« L’interdiction des e-cigarettes jetables toucherait actuellement un adulte sur 20 en Grande-Bretagne (environ 2,6 millions de personnes). L’impact serait le plus important sur les jeunes, y compris les 316 000 jeunes de 18 à 24 ans qui utilisent actuellement des e-cigarettes jetables, mais qui n’ont jamais fumé régulièrement du tabac, ce qui pourrait décourager l’adoption du vapotage dans ce groupe.
Cependant, une interdiction affecterait également 1,1 million de personnes qui fument actuellement et 744 000 autres qui ont arrêté de fumer. Elle aurait également un impact disproportionné sur les groupes défavorisés qui ont des taux de tabagisme plus élevés et qui ont généralement plus de mal à arrêter de fumer », Sarah Jackson et al., 2023.
Les puffs sont utilisées par des personnes à faible revenu en partie en raison du prix abordable pour l’objet directement « prêt à l’emploi ». Il évite l’investissement initial de quelques dizaines d’euros pour un produit de vape rechargeable et remplissable. Pour les plus démunis, une telle somme peut être difficile à investir, a fortiori pour un essai sans savoir si le produit va convenir alors qu’on est fumeur.
Soutenir l’accès aux produits de vape, les moins impactant pour l’environnement et les plus soutenables financièrement par des mesures compensatoires
Cependant, à long terme l’usage de puffs revient significativement plus cher que celui de produits de vape rechargeables et remplissables. Il est possible que certains consommateurs n’en aient pas une compréhension claire. L’interdiction de publicité et propagande contre les produits de vapotage, accompagnée d’actions en justice d’organisations qui visent à obtenir des dommages et intérêts, inhibe la possibilité d’informer correctement le public sur le sujet. Ceci profite aux produits portant sur eux-mêmes leur marketing, si on peut dire, à l’image des puffs.
Des mesures compensatoires en cas d’interdiction des puffs devraient viser à soutenir l’accès aux produits de vape, les moins impactant pour l’environnement et les plus soutenables financièrement, pour les fumeurs à bas revenus. Plusieurs mesures sont susceptibles d’offrir ce soutien :
- Une baisse de la TVA à taux réduit, 5,5% à l’instar des préservatifs, sur les produits de vapotage rechargeables et remplissables, ainsi que les fioles de recharge, permettrait un accès facilité aux produits ayant le moindre impact environnemental. Cette mesure permettrait de soutenir et inciter des personnes motivées à ne plus fumer en utilisant le vapotage ;
- Un programme de distribution de kits de vape et d’e-liquides, à l’image de l’actuel Swap to Stop anglais qui distribue 1 million de kits aux fumeurs qui désirent arrêter de fumer, permettrait de mieux cibler les zones défavorisées, mais avec un risque de dissipation de l’effet et un moindre impact sur le taux de tabagisme qu’une baisse de la TVA. Dans le contexte français actuel où des cadres de la DGS se considèrent en guerre contre la réduction des risques, il paraît peu probable qu’une telle opération puisse être réalisée efficacement.
De manière conservative et prudente, nous estimons que la prohibition des puffs va entraîner la rechute tabagique d’au moins 300 000 à 500 000 personnes et l’augmentation du nombre de cigarettes fumées de 300 000 à 500 000 personnes utilisant actuellement les puffs pour diminuer leur tabagisme. Une augmentation du nombre de cigarettes fumées par jour entraîne une augmentation non proportionnelle des méfaits liés à cette consommation.
Financièrement, cette hausse du tabagisme devrait générer au moins de 1,5 à 2,5 milliards € de rentrées fiscales supplémentaires par an pour l’État. Les mesures compensatoires que nous proposons sont donc souhaitables pour des raisons de santé publique, par principe de justice et tout à fait finançables.
Concernant la consommation de puffs des adolescents, nous constatons qu’il n’existe pas non plus de donnée scientifique sur le sujet en France. La proposition de loi semble ne s’appuyer que sur un sondage portant sur un panel restreint de jeunes, avec donc un faible niveau de fiabilité. Ce sondage de BVA annonce que 12% des adolescents interrogés ont essayé « une ou deux fois » sans suite une puff, tandis que 3% l’utilisent de manière occasionnelle plus régulièrement[14]. Les puffs apparaissent avant tout, dans 80% des cas, comme un objet d’expérimentation sans lendemain dans les résultats de ce sondage.
Le sondage de BVA n’a pas demandé aux adolescents concernés s’ils utilisent/ont essayé des puffs avec ou sans nicotine. Sur la base de ce sondage, il est donc strictement impossible d’évaluer la part de ces adolescents entrés en consommation de nicotine par le biais de puffs.
À notre connaissance, la vaste majorité des adolescents utilisant des puffs les utilisent sans nicotine. Leurs motivations étant la curiosité, de répondre à la pression des pairs et de manière inconsciente le mimétisme d’adulte, une utilisation de puffs pourrait avoir pour effet d’éviter à une partie importante de ces jeunes d’essayer le tabagisme. Ce possible effet est appelé l’effet de diversion, en opposition à la théorie de la passerelle.
Il n’existe pas d’étude de qualité scientifique spécifique à la question des puffs et adolescents, en revanche, il en existe traitant de la question des adolescents et du vapotage. Deux analyses françaises de chercheurs de l’INSERM et de l’OFDT sur un très large panel de jeunes de 17 ans ont permis de déterminer que l’expérimentation première du vapotage réduit de 38 à 42% le risque de devenir fumeur à cet âge [21] [22] .
Des études en population américaine indiquent une chute accélérée inédite dans l’histoire du tabagisme adolescent et des jeunes fumeurs de 18 à 25 ans depuis l’essor du vapotage [23]. Ce phénomène est incompatible avec la théorie de la passerelle, selon laquelle le vapotage des jeunes les amènerait au tabagisme. Si le vapotage amenait les jeunes à fumer, les taux de fumeurs des adolescents et des jeunes adultes auraient dû augmenter. Dans tous les pays où le vapotage s’est implanté, y compris en France et aux États-Unis, le tabagisme des adolescents et des jeunes adultes a dégringolé.
En France, le taux de fumeurs au quotidien à 17 ans, stable autour de 33% durant une décennie chute depuis l’arrivée de la vape en 2014 pour atteindre 15% en 2022 [24].
Les interdictions (déjà) en vigueur de vente des produits du vapotage et des produits du tabac aux mineurs devraient être bien mieux appliquées qu’elles ne le sont actuellement. Sovape demande que les pouvoirs publics s’engagent réellement pour que ces interdictions, y compris et en priorité celle concernant les produits du tabac, soient respectées. A défaut d’une application sérieuse de ces interdictions en France, sur la base des données épidémiologiques, l’expérimentation du vapotage semble pouvoir jouer un rôle de diversion contre le tabagisme.
Enfin, les données en population réelle invalident la théorie de la passerelle, plusieurs analyses montrent que les publications soutenant cette thèse souffrent de défauts méthodologiques majeurs. Notamment, la récente étude dirigée par le Pr Dautzenberg démontre de manière magistrale un biais de sélection invalidant l’extrapolation des résultats de ces études à l’ensemble de la population adolescente [25].
DES ÉQUIVALENCES HASARDEUSES ENTRE PUFFS ET CIGARETTES
Pour répondre à cette question en termes de consommation de nicotine, il faut évaluer d’une part la nicotine ingérée avec une cigarette et d’autre part avec une puff. Concernant la cigarette, les « taux » qui étaient annoncés sur les paquets par les fabricants proviennent de tests par des machines qui n’ont pas la capacité de varier leur inhalation comme le font les fumeurs. Ce sont donc des indications biaisées, raison pour laquelle le législateur français a interdit leur mention sur les paquets dans la loi Santé. Communiquer le chiffre de 1 mg de nicotine par cigarette, comme nous l’avons vu dans la presse française ces dernières semaines, est trompeur et pourrait constituer une infraction à la loi santé.
Physiquement, une cigarette contient généralement entre 8 et 20 mg de nicotine (dans environ 1 gramme de tabac). Les études mesurent que les fumeurs ingèrent de 0,5 à 3,5 mg de nicotine par cigarette selon la force et la profondeur de leur inhalation (le sujet a été notamment couvert par les recherches sur l’effet compensatoire des fumeurs avec des cigarettes « lights ») [26].
La nicotine ingérée par un vapoteur dépend de sa manière propre d’inhaler l’aérosol de vape, généralement étroitement lié aux caractéristiques de son appareil de vapotage (niveau de la résistance [en ohm], surface résistive, ouverture et placement du flux d’air, puissance [en watt], notamment), la concentration en nicotine du e-liquide (de 0 à 20 mg/ml) et le volume d’e-liquide par bouffée que le vapoteur inhale. L’explication la plus précise est donnée par l’association AIDUCE dans un article pour la Revue de pneumologie clinique [27].
Par un autre chemin, les mesures plasmatiques de la nicotine ingérée par des vapoteurs suggèrent une assimilation entre 40% et 80% de la nicotine contenue dans l’e-liquide. La consommation complète d’une puff de 2 ml à 10 mg/ml de nicotine pourrait se traduire par l’ingestion de 8 mg à 16 mg de nicotine. Ce qui pourrait équivaloir à l’inhalation de 3 à 16 cigarettes selon les fumeurs. Une puff de 2 ml à 20 mg/ml de nicotine sera dans une fourchette d’équivalence de 5 à 32 cigarettes. Une puff sans nicotine n’a pas d’équivalence. La large fourchette d’écart est inhérente à la part d’action humaine dans les deux pratiques.
Cependant, si à travers cette question le Sénateur a à l’esprit le risque dépendogène de la nicotine, il faut s’intéresser à la vitesse d’absorption de la nicotine. L’absorption de la nicotine mesurée au niveau sanguin montre des différences importantes selon le mode de consommation, vapotage ou fumée, comme l’illustre le graphique plus bas d’une étude parue en 2014 dans Nature [28].
Dans l’Union européenne (UE), la directive sur les produits du tabac (TPD 2014) limite la vente de produits de vapotage comme produit de consommation courante à une concentration maximum de 20 mg/ml. Selon plusieurs études et une enquête auprès de plus de 30 000 vapoteurs européens, ce taux maximum est insuffisant pour substituer jusqu’au sevrage tabagique environ 30% des fumeurs [29].
Actuellement à notre connaissance, seuls des appareils délivrant des e-liquides à près de 60 mg/ml de nicotine peuvent présenter des courbes cinétiques de délivrance de nicotine s’approchant de celles des cigarettes fumées. En raison de la TPD, une vape à plus de 20 mg/ ml de nicotine ne peut être vendue légalement dans l’UE qu’en étant homologuée comme produit pharmaceutique. En Australie, la Nicovape Q,, ayant une concentration de 60 mg/ml de nicotine, est vendue sur prescription [30]. Cependant, aucun produit n’a été homologué en France et nous n’avons pas connaissance d’un processus en ce sens.
Il semble opportun de préciser à ce sujet que la nicotine est impliquée dans l’extrême addictivité du tabac fumé, mais n’est pas le seul élément déterminant de son niveau dépendogène. Outre la nicotine, la fumée de tabac contient plusieurs autres alcaloïdes et des inhibiteurs de monoamine oxydase (IMAO) [31] dont l’effet antidépresseur est bien connu en pharmacologie. Le tabac se présente comme un cocktail de substances, particulièrement efficace pour passer dans le sang à travers les poumons lorsqu’il est fumé.
Hors du tabac, la puissance dépendogène de la nicotine est considérée d’un niveau moyen-haut, proche de celui de la caféine [32]. La vente depuis 40 ans de substituts nicotiniques n’a pas engendré de dépendance massive, contrairement aux craintes à l’époque de leur légalisation. Les personnes sans passé tabagique devenant dépendantes des gommes nicotinées sont extrêmement rares [33] et les utilisateurs à long terme ne souffrent pas de problème sanitaire particulier, contrairement aux fumeurs [34].
« La nicotine n’est pas le problème majeur concernant la santé. La nicotine pure ou pharmaceutique n’est probablement guère différente de la caféine et certainement moins dangereuse que l’alcool. La nicotine est un facteur important de dépendance, mais la dépendance au tabagisme est une dépendance vaste et à multiples facettes. La nicotine pourrait d’ailleurs dans une certaine mesure faire partie de la solution au problème du tabagisme si le besoin de fumer du tabac pouvait être remplacé par la consommation de nicotine pure. Ce qui doit être mis en avant est le problème du tabac et particulièrement du tabac fumé », Pr Karl Fagerström, créateur du test de dépendance au tabac, dans Nicotine and Tobacco Research, 2011.
Un suivi sur huit ans de vapoteurs au long [35] cours ex-fumeurs par le Pr Jean-François Etter, de l’Université de Genève, confirme un constat de plusieurs études plus restreintes. Une large part de 80% des vapoteurs au long cours déclare une réduction de leur dépendance nicotinique ressentie au fil du temps (en moyenne d’un niveau de 75 à 60 sur une échelle de 100).
Concernant les adolescents, on peut constater sur les mesures de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) que le ratio entre expérimentation et entrée dans un usage régulier est fortement contrasté entre la cigarette et le vapotage. En moyenne environ 1 jeune sur 2 qui essaie une cigarette devient fumeur régulier, la plupart au quotidien et à très long terme. Tandis que le ratio entre expérimentations du vapotage et usages réguliers occasionnels est d’environ 1 pour 10 à 17-18 ans. C’est un indice fort de la moindre puissance dépendogène des produits de vapotage que du tabac [36].
Cependant, pour des raisons éthiques, aucune étude clinique n’a été entreprise pour déterminer ce point. Un suivi en population de jeunes sur long terme pourrait permettre de préciser la part de consommation régulière à long terme de vapotage chez des personnes initialement naïves à la nicotine, et clarifier les diverses trajectoires d’usages dans le temps. À notre connaissance, cela n’a pas été entrepris.
À notre connaissance, les puffs contenant de la nicotine affichent les messages d’avertissement réglementaires sur l’emballage, et pour les flacons de recharge sur la fiole. Par contre, les puffs sans nicotine n’ont pas à arborer cet avertissement. La confusion entre produits de vapotage, y compris les puffs, avec ou sans nicotine nous semble biaiser bon nombre d’interventions notamment médiatiques sur le sujet.
Sur le volet de santé publique, le sujet de fond que soulève le projet de loi d’interdiction des puffs est de savoir s’il est souhaitable et préférable d’empêcher l’accès à des produits nicotinés à risque réduit, au risque très probable de maintenir le tabagisme et protéger les ventes de cigarettes.
L’ÉTAT DE DÉSINFORMATION DES FRANÇAIS SUR LA RÉDUCTION DES RISQUES FACE AU TABAGISME
Chaque année depuis 2019, un sondage commandé à BVA permet à SOVAPE d’évaluer la perception des risques du vapotage et de la nicotine des Français :
- 93% des Français ont une perception erronée des risques relatifs entre la vape et la cigarette,
- 82% croient à tort à un caractère carcinogène de la nicotine [37].
Une enquête menée par l’INCa et SPF a confirmé l’ampleur de cette désinformation du public [38].
Nous demandons de longue date que les pouvoirs publics se mobilisent pour informer correctement le public français au sujet de la réduction des risques face au tabagisme. Entre 2015 et 2018, des initiatives positives avaient été prises sous l’impulsion du Pr Benoît Vallet, alors directeur de la DGS. Cela s’est accompagné d’une baisse inédite au 21e siècle du tabagisme en France. Les fumeurs quotidiens étaient passés de 29,4% en 2016 à 24% en 2019, soit une baisse de 18%. Depuis, le taux de fumeurs est remonté à 25,3% en 2022 [39].
Nous pouvons citer des éléments qui nous ont semblé particulièrement propices à cette dynamique positive :
- des spots TV ont banalisé la vape comme moyen d’arrêter de fumer avec le vapotage lors de campagne du Mois Sans Tabac ;
- le partenariat des autorités de santé avec la FIVAPE pour promouvoir le Mois Sans Tabac sur les devantures des magasins spécialisés de vapotage jusqu’en 2019 ;
- la création de groupes d’entraide autogéré par des usagers pour le Mois Sans Tabac dont l’un dédié au vapotage ;
- le groupe de travail « Vapotage » sous l’égide de la DGS permettait un dialogue au long cours entre les parties prenantes. Nous pensons qu’il a permis à cette époque une meilleure compréhension et considération des cadres de la santé publique envers les usagers, et offrait une reconnaissance à l’engagement dans la réduction des risques des professionnels de vape (indépendants de l’industrie du tabac) limitant l’attraction centrifuge plus exclusivement commerciale. Sa destruction en 2019 a été une très grave erreur.
A compter de 2019, la DGS s’est désintéressée de la réduction des risques et a abandonné les différentes initiatives mises en place auparavant. Depuis, le tabagisme se maintient à un niveau relativement stable en France, à près de 32% et 25% pour le tabagisme au quotidien.
À l’opposé de cette orientation stratégique, l’exemple de la Nouvelle-Zélande pourrait inspirer le monde politique français pour résoudre le problème social et sanitaire du tabagisme. En Nouvelle-Zélande, les campagnes de promotion de l’arrêt tabagique à l’aide du vapotage ont accompagné une chute de près de la moitié du tabagisme depuis 2018. De 15,1% de fumeurs (13,3% de fumeurs quotidien), le taux de tabagisme est passé à 8,3% (6,8% au quotidien) en 2022. Les groupes sociaux défavorisés ont le plus bénéficié de cette stratégie de réduction des risques. Les fumeurs au quotidien issus des autochtones du Pacifique sont passés de 21,6% en 2018 à 6,4% en 2022, par exemple [40].
Les campagnes néo-zélandaises ont combiné la création d’un site internet nommé Vaping Facts [41] consacré au vapotage et sa réduction des risques par rapport à fumer, une compagne nommée Quit Strong [42] avec des spots publicitaires sur les TV, des mini-reportages donnant la parole à des fumeurs en train d’arrêter à l’aide du vapotage, et des kits d’affiches et autocollants diffusés dans les lieux de santé et les magasins de vape spécialisés.
« Nous voyons déjà que le vapotage est utilisé par les gens pour arrêter de fumer. Cela nous permet en fait d’aller de l’avant avec d’autres actions pour réduire le tabagisme, car il existe une alternative qui fonctionne très bien pour les gens afin d’arrêter de fumer. Nous savons que le vapotage fait une différence pour ceux qui veulent maintenant arrêter de fumer, c’est donc un outil important », Jacinda Ardern, Première ministre de Nouvelle-Zélande, 9 décembre 2021[43].
L’exemple néo-zélandais montre qu’une stratégie déterminée de réduction des risques s’appuyant sur le vapotage est extrêmement efficace pour réduire le tabagisme et ses méfaits de santé. Le récent changement de gouvernement pourrait remettre en cause la stratégie de lutte antitabac suivie en Nouvelle-Zélande.
PUFFS PROHIBÉES, CIGARETTES LÉGALES : UN PROGRÈS DE SANTÉ PUBLIQUE ?
Outre la question écologique, la proposition d’interdiction des puffs résulte essentiellement de l’incapacité des autorités à faire respecter l’interdiction de vente aux mineurs en vigueur. En définitif, l’effet serait d’instaurer l’interdiction de ce produit aux citoyens adultes. Tandis que la cigarette restera disponible.
On peut craindre que l’interdiction agisse comme un signal réglementaire indiquant aux fumeurs que vapoter est plus nocif que de fumer, puisque les cigarettes ne seront pas interdites contrairement aux puffs. Ceci renforcerait la désinformation du public. Le traitement médiatique du sujet ces dernières semaines, avec des articles sensationnalistes annonçant que la vape “va tuer vos enfants” ou qu’elle correspond à “des dizaines de paquets de cigarettes”, illustre malheureusement cet effet délétère.
Les autorités françaises avaient été alertées par l’association des professionnels de vape Fivape de problèmes d’infraction autour des ventes de puff dès 2021. Deux ans plus tard, on constate une situation similaire à l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs. Cependant, personne n’évoque publiquement d’interdire les cigarettes – infiniment plus nocives que les puffs – pour empêcher leur vente aux mineurs.
De notre point de vue, en 2019, en terminant le groupe de travail « Vapotage » la DGS a signé la fin du dialogue entre les parties prenantes. En reportant la discussion au sein du PNLT, sans la présence de toutes les parties prenantes, elle a nié la spécificité de cette question. Le traitement de l’addiction tabagique au sein de la DGS s’est déconnecté des usagers actuels qui pourraient pourtant être des alliés et l’aider à potentialiser les promesses des produits de réduction des risques.
L’IMPORTANCE D’INFORMER LE PUBLIC SUR LES CIRCUITS DE RECYCLAGE
Les consommateurs ne sont pas suffisamment informés sur l’importance et la nécessité de se délaisser des puffs et en général des batteries au lithium en fin de vie dans les lieux dédiés. Il y a généralement des affichettes et des boîtes de recueil sur les lieux de vente, mais pas toujours suffisamment visibles. Cependant, c’est surtout un travail d’information plus global pour que la population intègre les bons gestes de recyclage concernant les batteries lithium en général qui est nécessaire.
Des publicités informatives sur le sujet seraient utiles et bienvenues, mais l’interdiction de publicité et propagande sur le vapotage interdit aux entreprises de vape de le faire. Les associations de défense de réduction des risques n’en ont pas les moyens financiers et sont également sous la menace de poursuites par les organisations défavorables aux approches de réduction des risques.
Contrairement à ce que l’on a entendu lors des discussions à l’Assemblée au cours de l’examen du texte, les batteries au lithium et/ou les puffs sont recyclables. Prétendre le contraire incite les utilisateurs à jeter celles-ci dans les poubelles normales. Or les batteries au lithium sont sensibles aux chocs et de nombreux incendies se déclarent dans les centres de tri pour cette raison. Inciter les gens à ne pas mettre les batteries lithium, y compris les puffs, dans la filière de recyclage met en danger l’intégrité physique des travailleurs des centres de tri, en plus d’impacts économique et environnemental négatifs évitables.
EN RÉSUMÉ
Les points qui nous paraissent d’importance :
1- La réglementation actuelle interdit la vente des produits du tabac, de la vape et des puffs aux mineurs. Son application devrait être une priorité, en particulier l’interdiction de vente des produits du tabac autrement plus nocifs. C’est une question de volonté politique de l’exécutif, pas de lacune législative actuelle.
2 – La proposition de loi visant à interdire les puffs s’est dispensée de l’étude d’impact visant à évaluer ses conséquences négatives et positives. Si l’interdiction était prononcée du fait des aspects négatifs écologiques des puffs, des mesures compensatoires devraient orienter l’usager vers les produits rechargeables et remplissables. Nous estimons, de manière approximative à défaut de données établies, que le nombre d’utilisateurs de puffs en France est d’au moins un million de personnes, probablement plus.
3 – L’interdiction des puffs affecterait les utilisateurs adultes. A défaut de mesures compensatoires, une partie de ces consommateurs adultes pourraient retourner au tabagisme.
4 – Concernant les jeunes, l’hypothèse d’un retour du tabagisme adolescent associé à l’interdiction des puffs ne peut pas être écarté et devrait être étudié en prenant en compte le laxisme français concernant les interdictions de vente aux mineurs des produits du tabac.
5 – En cas d’interdiction, des mesures compensatoires devraient viser à réduire les effets néfastes pour les utilisateurs de puffs, principalement des personnes à bas revenus. Pour limiter le retour au tabagisme et le recours à des marchés parallèles, de telles mesures devraient inciter à utiliser des produits de vape légaux rechargeables et remplissables. Une baisse de la TVA à taux réduit sur les produits de vapotage rechargeables et remplissables aurait la vertu de favoriser l’adoption de produits de forte réduction des risques pour la santé par les fumeurs à bas revenu en les incitant à utiliser les produits ayant (de très loin) le moindre impact écologique parmi ceux-ci.
6 – La situation française actuelle est caractérisée par un fort tabagisme adulte et une baisse massive du tabagisme adolescent depuis 2014 et l’apparition de la vape. L’interdiction sans mesure compensatoire d’un produit de réduction des risques, parallèlement au maintien du produit le plus nocif, à savoir le tabac fumé, serait contraire aux objectifs d’amélioration de la santé.
7 – L’interdiction brutale des puffs serait perçue par nombre d’usagers de nicotine comme une mesure injuste d’incitation au tabagisme pour des raisons budgétaires. Les Sénateurs devraient veiller à mettre en évidence des alternatives de réduction des risques à la puff dans un souci d’équilibre, de justice sociale et de proportionnalité des risques.
RÉFÉRENCES
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