La désinformation sur le vapotage favorise le maintien des fumeurs dans le tabagisme. Ce que clament fréquemment les acteurs de terrain vient d’être confirmé par une étude de cohorte de chercheurs de la Food and Drug Administration (FDA) américaine. Publiée récemment dans la revue Addiction [1], l’analyse des données du suivi PATH de 2014 à 2016 montre l’impact de la perception des risques du vapotage comparé aux cigarettes sur le comportement des double-usagers.

 « Nous avons vérifié si percevoir le vapotage comme moins nocif que les cigarettes prédit un changement de statuts des vapofumeurs un an plus tard, s’ils deviennent vapoteurs exclusifs, fumeurs exclusifs ou non-utilisateurs des deux produits », expliquent les chercheurs.

Principale conclusion de l’étude, les vapofumeurs qui savaient que le vapotage est moins nocif que le tabagisme étaient près de trois fois plus susceptibles d’avoir arrêté de fumer un an plus tard que ceux qui croyaient les risques égaux, et plus de dix fois plus que ceux qui croyaient le vapotage plus nocif.

Le suivi sur deux ans amplifie encore le phénomène : les double-utilisateurs informés correctement de la réduction des risques ont été plus de dix fois plus nombreux en proportion à arrêter de fumer entre 2014 et 2016 que ceux mal-informés des risques relatifs.

En sens inverse, une large majorité de ceux qui croyaient le vapotage aussi ou plus nocif sont redevenus fumeurs exclusifs. Les différentes perceptions des risques ne montrent aucun effet sur l’abstinence complète aux deux produits.

Parmi ceux qui sont restés double-usagers, ceux ayant une perception plus juste de la réduction des risques avec le vapotage ont baissé leur consommation de cigarettes, deux cigarettes fumées de moins par jour et 2,5 jours de tabagisme en moins par mois après un an.

Selon les chercheurs, parmi les 4,3 millions de vapofumeurs (sur les 10,5 millions que comptaient les États-Unis en 2014) croyant que vapoter n’est pas moins nocif que fumer, seuls 115 000 ont arrêté de fumer. Ils estiment que « Si ces 4,3 millions de vapofumeurs avaient eu le même taux de conversion au vapotage exclusif que ceux qui perçoivent le vapotage comme moins nocif que les cigarettes (7,5 %), environ 205 000 personnes de plus seraient devenus vapoteurs exclusifs en 2015-16. Et si leur taux avait été le même que celui des personnes qui percevaient les cigarettes électroniques comme étant moins nocives en 2014-2015 et en 2015-2016 (11,3 %), environ 370 000 de plus auraient été vapoteurs exclusifs en 2015-2016 », précisent les chercheurs.

Sans effet sur l’abstinence totale, la désinformation contre le vapotage fait ses victimes en maintenant les vapofumeurs dans le tabagisme. Fait inquiétant, l’étude montre que la proportion de double-usagers conscients de la réduction des risques du vapotage par rapport au tabagisme est passée de 59% à 42% entre 2014 et 2016. Le climat de chasse aux sorcières aux États-Unis, où tous les moyens sont bons, y compris le mensonge, est devenu un problème de santé publique. « C’est comme si les consommateurs de tabac avaient les yeux bandés et n’avaient pas le droit de voir des différences radicales de risques entre les différents produits », expliquent les Pr Lynn Kozlowski et David Sweanor, ce qui « nuit à leurs choix personnels éclairés » [2].

En France aussi, la perception de la réduction des risques du public concerné se dégrade de manière très inquiétante. L’enquête 2017 de Santé Publique France montre que plus de 70% des fumeurs quotidiens croient que le vapotage est aussi ou plus nocif que leurs cigarettes [3]. Nous insistons sur la responsabilité des différents acteurs à délivrer une information claire et objective en évitant le sensationnalisme délétère sur le sujet. Le Sommet de la vape le 14 octobre à Paris donnera des éclairages scientifiques concernant la réduction des risques individuels, les effets de santé publique et les expériences de terrain d’acteurs de santé, de professionnels et d’usagers [4].

Références

[1] Perceived Relative Harm of Using E-Cigarettes Predicts Future Product Switching among U.S. Adult Cigarette and E-Cigarette Dual Users ; Alexander Persoskie, Erin Keely O’Brien, Karl Poonai (Office of Science, FDA Center for Tobacco Products, 11785 Beltsville Dr., Calverton, MD 20705, USA) ; Addiction, 06 July 2019 – https://doi.org/10.1111/add.14730

[2] Kozlowski LT, Sweanor D. Withholding differential risk information on legal consumer nicotine/ tobacco products: The public health ethics of health information quarantines. Int J Drug Policy 2016 Jun; 32:17-23. doi: 10.1016/j.drugpo.2016.03.014

[3] Voir notre communiqué du 27 juin https://www.sovape.fr/vapotage-rapport-sante-publique-france/

[4] Programme et renseignements sur https://www.sommet-vape.fr/