Ce communiqué est un message co-signé par deux associations dans le domaine du vapotage et très inquiètes des effets négatifs que pourrait avoir une interdiction des arômes pour le vapotage, dont les dommages n’ont pas été objectivement évalués, pas plus que les bénéfices.

L’AIDUCE représente les consommateurs, elle est notamment partie prenante de la normalisation des produits au sein de l’AFNOR. SOVAPE est engagée en faveur de la réduction des risques face au tabagisme et organise le Sommet de la Vape. Nos deux associations sont indépendantes et particulièrement de l’industrie du tabac.

Lors de la séance du 8 novembre du Comité sur le Plan Cancer (BECA), un amendement de compromis visant à interdire des arômes de vapotage a été évoqué. Certains membres du Comité semblent craindre que des arômes attirent des jeunes vers le vapotage.

Les produits du vapotage présentent un risque de cancer extrêmement faible et constituent une porte de sortie du tabagisme supplémentaire

Les produits du vapotage disponibles sur le marché de l’UE présentent un risque de cancer extrêmement faible selon des études de l’Institut Pasteur[1], de recherches Britanniques[2] et l’évaluation de l’Institut National sur le Cancer (INCa)[3]. La nicotine elle-même, présente dans certains produits, n’est pas cancérigène selon le CIRC[4]. Dans ces conditions, des restrictions réglementaires du vapotage, qui ne présente pas de risque cancérigène, dans le cadre du Plan Cancer européen sont questionnables. Le vapotage nous semble être une alternative supplémentaire face au tabagisme, qui est la première cause évitable de cancer, et donc un produit bénéfique dans la balance de santé publique.

La vente aux mineurs est interdite dans les États membres

La vente de produits de vapotage à des mineurs est actuellement interdite dans les États membres. L’application de cette interdiction de vente relève des États. L’interdiction d’arômes aux adultes, en raison d’éventuelles applications défaillantes des Etats de l’interdiction de vente aux mineurs est abusive. Les lacunes éventuelles d’application d’interdiction de vente de produits de vapotage aux mineurs ne semblent pas dans le champ des problématiques liées au cancer.

En France, le tabagisme des jeunes baisse depuis 10 ans

Entre 2011 et 2017, plus de 700 000 personnes ont arrêté de fumer de manière consolidée grâce au vapotage en France, selon l’analyse de Santé Publique France[5]. Une étude de l’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT) a mesuré sur près de 39 000 jeunes, que ceux qui avaient essayé le vapotage en premier ont un risque réduit de 38% d’être fumeurs à 18 ans par rapport à ceux qui ne l’avaient pas expérimenté[6] [7]. Une étude de l’Ecole des Mines de St.-Etienne auprès d’élèves de 15-16 ans montre que 2/3 des jeunes préalablement fumeurs qui ont commencé de vapoter ont réduit ou arrêté leur tabagisme[8].

Ces éléments peuvent constituer une explication, peut-être partielle, à la baisse accélérée du tabagisme juvénile en France ces dernières années. Par ailleurs, le principal facteur de risque de tabagisme juvénile est le tabagisme des proches, notamment des parents[9]. A ce titre, entraver un produit permettant d’arrêter de fumer pourrait augmenter le risque des jeunes de devenir fumeurs. Une étude aux Pays-de-Galles montre que 84% des enfants de vapoteurs âgés de 10-11 ans ont compris que le vapotage est un moyen pour arrêter de fumer et ont une susceptibilité de se mettre à fumer réduite de 43% [10].

Les adolescents sont curieux de choses pouvant les projeter vers le monde adulte. Les suivis épidémiologiques sérieux montrent qu’ils sont très nombreux à expérimenter « une fois ou deux » le vapotage, mais très peu en proportion à l’utiliser de manière fréquente. En contraste, plus de la moitié des adolescents qui ont fumé une cigarette, deviennent fumeurs réguliers à 18 ans.

A titre d’exemple, dans un contexte de faible tabagisme des jeunes, l’interdiction de vente de produits de vapotage aromatisés à San Francisco (USA) en 2018 a été suivi du doublement du taux de tabagisme adolescent, brisant sa dynamique de chute, alors qu’elle s’est poursuivie dans le reste de la Californie[11]. Nous sommes inquiets qu’une bonne intention ne produise des effets contre-productifs, y compris envers les jeunes.

Une analyse sur près de 18 000 vapoteurs aux Etats-Unis a montré que « par rapport aux e-liquides aux arômes de tabac, les e-liquides non aromatisés au tabac n’étaient pas associées à une augmentation de l’initiation au tabagisme chez les jeunes, mais ils sont associés à une augmentation des chances d’arrêter de fumer chez les adultes »[12].

Plus des deux-tiers des vapoteurs européens n’utilisent pas d’arôme tabac

Les arômes de vapotage sont un élément crucial pour arrêter de fumer, tout comme l’approvisionnement en dehors du circuit du tabac pour s’éloigner définitivement de cet univers. Une grande partie des vapoteurs perdent l’appétence pour ces arômes, adoptent d’autres gammes de goûts et consolident leur arrêt[13] [14]. De nombreux tabacologues de terrain et magasins spécialisés nous ont confirmé ces observations.

L’enquête que nous avons menée avec l’ETHRA[15] auprès de plus de 37 000 résidents de l’Union européenne (UE) montre que 94,6 % des vapoteurs utilisent au moins un arôme autre que goût tabac[16], et plus des deux-tiers n’utilisent que des e-liquides d’arômes autres que tabac. En cas d’interdiction des arômes autres que les arômes tabac, 16,5 % pensent recommencer de fumer. Un chiffre similaire (17,1 %) a été trouvé par l’International Control Tobacco dans une récente enquête en Angleterre, Canada et Etats-Unis[17].

Un risque de recours à des arômes alimentaires inadaptés à l’inhalation

Dans l’enquête de l’ETHRA, près des 2/3 des vapoteurs résidents dans l’UE envisagent le recours à des sources alternatives pour contourner une interdiction d’arômes.

Les interdictions d’arômes poussent une partie des vapoteurs à recommencer à fumer, elles entravent l’arrêt tabagique aidé du vapotage, et produisent chez les vapoteurs persévérants des comportements à risques plus élevés qu’avec un marché contrôlé.

Les exemples de l’Estonie, de la Hongrie et de la Finlande, montrent les effets contre-productifs d’une telle interdiction : recours au “fait maison” avec des produits aromatiques sans connaissance de leur adéquation ou non à l’usage en inhalation, recours à des sources alternatives sans protection du consommateur, notamment.

Confusion entre arômes et désignations

Nous nous interrogeons sur la confusion dans le débat entre les arômes eux-mêmes et leurs désignations commerciales. Interdire une vaste part d’un produit, dont le potentiel de cancers est extrêmement faible, en raison d’une attractivité floue, mal-définie et sans évaluation d’impact, est disproportionné et produira très probablement des effets indésirables sociaux et sanitaires.

En synthèse, nous estimons que des interdictions d’arômes de vape excèdent le domaine du Plan Cancer et auraient des conséquences indésirables de santé publique. Elles entraveraient violemment la sortie et le maintien hors du tabagisme de ceux qui optent pour le vapotage.

RÉFÉRENCES :

[1] Romain Dusautoir, Gianni Zarcone, Marie Verriele, Guillaume Garçon, Isabelle Fronval, Nicolas Beauval, Delphine Allorge, Véronique Riffault, Nadine Locoge, Jean-Marc Lo-Guidice, Sébastien Anthérieu : Comparison of the chemical composition of aerosols from heated tobacco products, electronic cigarettes and tobacco cigarettes and their toxic impacts on the human bronchial epithelial BEAS-2B cells, Journal of Hazardous Materials, Vol. 401, 2021,https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2020.123417

[2] Shahab, L, Goniewicz, ML, Blount, BC, et al. Nicotine, carcinogen, and toxin exposure in long-term e-cigarette and nicotine replacement therapy users. Ann Intern Med. 2017;166:390-400. https://doi.org/10.7326/M16-1107

[3]  La cigarette électronique : une opportunité de réduire le nombre de cancers liés au tabac ? https://www.e-cancer.fr/content/download/198962/2674935/file/Ciigarette_electronique_Extrait_de_la_synthese_des_cancers_en_France_2016_20170530.pdf

[4] https://cancer-code-europe.iarc.fr/index.php/fr/12-facons/tabac/1164-la-nicotine-provoque-t-elle-le-cancer

[5] Pasquereau A, Quatremère G, Guignard R, Andler R, Verrier F, Pourchez J, Richard JB, Nguyen‑Thanh V. Baromètre de Santé publique France 2017. Usage de la cigarette électronique, tabagisme et opinions des 18‑75 ans. Saint‑Maurice : Santé publique France,2019. https://www.researchgate.net/publication/337542002_USAGE_DE_LA_CIGARETTE_ELECTRONIQUE_TABAGISME_ET_OPINIONS_DES_18-75_ANS_Barometre_de_Sante_publique_France_2017

[6] Sandra Chyderiotis, Tarik Benmarhnia, François Beck, Stanislas Spilka, Stéphane Legleye ; Does e-cigarette experimentation increase the transition to daily smoking among young ever-smokers in France? ; Drug and Alcohol Dependence, Volume 208, 2020, https://doi.org/10.1016/j.drugalcdep.2020.107853

[7] Legleye, S., Aubin, H.‐J., Falissard, B., Beck, F., and Spilka, S. (2020) Experimenting first with e‐cigarettes versus first with cigarettes and transition to daily cigarette use among adolescents: the crucial effect of age at first experiment. Addiction – Lien : https://doi.org/10.1111/add.15330.

[8] C. Denis-Vatant, C. Merieux, L. Leclerc, H. Duc, C. Berton, R. Jarrige, M. Nekaa, J.-M. Vergnon, J. Pourchez, Relations entre vapotage et tabagisme chez les adolescents en classe de seconde. Résultats d’une étude observationnelle descriptive transversale et monocentrique menée dans l’agglomération stéphanoise, Volume 1293, Issue 1, 6/2019, Pages 9-111, ISSN 0761-8425, http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2019.04.002

[9] Leonardi-Bee J, Jere ML, Britton J : Exposure to parental and sibling smoking and the risk of smoking uptake in childhood and adolescence: a systematic review and meta-analysisThorax 2011;66:847-855.https://thorax.bmj.com/content/66/10/847.long

[10] Moore, G.F.; Angel, L.; Gray, L.; Copeland, L.; Van Godwin, J.; Segrott, J.; Hallingberg, B. Associations of Socioeconomic Status, Parental Smoking and Parental E-Cigarette Use with 10–11-Year-Old Children’s Perceptions of Tobacco Cigarettes and E-Cigarettes: Cross Sectional Analysis of the CHETS Wales 3 Survey. Int. J. Environ. Res. Public Health 2020, 17, 683. https://doi.org/10.3390/ijerph17030683 –  https://www.mdpi.com/1660-4601/17/3/683/htm#B25-ijerph-17-00683.

[11] Friedman AS. A Difference-in-Differences Analysis of Youth Smoking and a Ban on Sales of Flavored Tobacco Products in San Francisco, California. JAMA Pediatr. 2021;175(8):863–865. doi:10.1001/jamapediatrics.2021.0922

[12] Friedman AS, Xu S. Associations of Flavored e-Cigarette Uptake With Subsequent Smoking Initiation and Cessation. JAMA Netw Open. 2020;3(6):e203826. doi:10.1001/jamanetworkopen.2020.3826

[13] Notley C, Ward E, Dawkins L, Holland R. User pathways of e-cigarette use to support long term tobacco smoking relapse prevention: a qualitative analysis. Addiction. 2020. https://doi.org/10.1111/add.15226.

[14] Gentry, S.V., Ward, E., Dawkins, L. et al. Reported patterns of vaping to support long-term abstinence from smoking: a cross-sectional survey of a convenience sample of vapers. Harm Reduct J 17, 70 (2020). https://doi.org/10.1186/s12954-020-00418-8

[15] https://ethra.co/eu-survey

[16] EU Nicotine Users Survey 2020, ETHRA. En Français : https://ethra.co/downloads/category/2-eu-ethra-2021?download=1:rapport-ethra-survey-2020-fr

[17] Responses to potential nicotine vaping product flavor restrictions among regular vapers using non-tobacco flavors: Findings from the 2020 ITC Smoking and Vaping Survey in Canada, England and the United States ; Shannon Gravely, et al. ; Addictive Behaviors, Volume 125,  2022, https://doi.org/10.1016/j.addbeh.2021.107152.