Une étude britannique explore l’influence et la participation de l’environnement des magasins spécialisés de vape sur les fumeurs dans leur projet d’arrêt du tabac.

Pour réaliser cette étude, les chercheurs de l’Université de East Anglia sont allés à la rencontre des vapoteurs. Ils ont mené des entretiens qualitatifs auprès de quarante d’entre eux, vingt femmes et vingt hommes, et effectué des séances d’observation de trois heures dans six magasins spécialisés. Leurs travaux ont mis en relief le rôle important des vendeurs, généralement anciens fumeurs et “experts par expérience”, dans l’aide à l’arrêt du tabac. Ils ont étudié plusieurs types de magasins, selon des caractéristiques de convivialité. Si les plus accueillants convainquent certains groupes de fumeurs ils peuvent aussi en rebuter d’autres, notamment les femmes.

Empathie et encouragements à l’arrêt du tabac

Les scientifiques ont observé que l’abstinence tabagique est encouragée par le travail d’écoute des vendeurs qui cherchent à comprendre les habitudes et les préférences de leurs clients pour adapter leurs conseils et les orienter vers les produits les plus adaptés. Ils leur offrent aussi le point de contact nécessaire pour l’aide pratique dont les néo-vapoteurs ont besoin au démarrage, un point crucial pour la réussite de la transition.

De précédentes études ont montré en effet qu’une configuration inadaptée, un mauvais fonctionnement ou un manque d’accès aux consommables peuvent aboutir à un échec de l’arrêt du tabac. Ainsi, le soutien technique continu et les conseils d’utilisation des magasins peuvent contribuer à maintenir l’abstinence tabagique à long terme.

Collaborer avec les professionnels de santé

Si tous les fumeurs ne souhaitent pas une approche médicale, celle-ci peut néanmoins être décisive pour certains. La plupart des vendeurs interrogés s’est ainsi déclarée motivée pour collaborer plus étroitement avec les professionnels de santé. Réciproquement, selon l’équipe d’universitaire, ceux-ci pourraient s’appuyer sur le succès de certains magasins et orienter leurs patients désireux d’arrêter de fumer avec la vape. En s’engageant auprès de la “communauté locale” de la vape, ces professionnels de santé pourraient en effet orienter leurs patients vers les magasins offrant un bon service et des conseils appropriés.

Une formation à l’arrêt du tabac des personnels des magasins de vape pourrait accroitre l’efficacité du dispositif. Des études complémentaires pourraient évaluer le champ des coopérations possibles entre services de lutte contre le tabagisme et boutiques de vape pour aider les fumeurs à atteindre et à maintenir le sevrage tabagique.

Après l’arrêt du tabac, l’arrêt du vapotage est envisagé à terme par un tiers des personnes interrogées. Les chercheurs soulignent là un potentiel conflit d’intérêt des vendeurs.

Usager expert au service de la science

Cette étude a été financée par l’organisme de bienfaisance britannique Cancer Research UK. Cette fondation soutient des projets de recherche contre le cancer et encourage la participation de patients ou de membres de la société civile aux travaux des chercheurs.

C’est ainsi que Sarah Jakes, vapoteuse et présidente de l’association britannique de défense des moyens de consommation de nicotine à méfaits réduits, a été contactée pour son expertise d’usagère. Démarche originale et salutaire car les consommateurs sont les premiers experts de ce produit, et nombre d’études auraient gagné à s’informer sur les modes d’utilisation du vaporisateur.

“Je n’ai pas participé à la conception de l’étude, pas davantage à l’observation in situ ou aux entretiens, par contre j’ai beaucoup travaillé sur l’interprétation des citations” nous explique Sarah Jakes. “En fait, dans un certain nombre de cas je me suis rendue compte que l’équipe de chercheurs ne comprenaient pas bien ou parfois de travers ce que voulaient dire les personnes interrogées. Finalement, j’ai beaucoup travaillé pour les aider à décrypter le contenu des entretiens, suffisamment pour que finalement ils aient décidé de m’ajouter à la liste des auteurs”.

AVIS D’EXPERT : Jacques LE HOUEZEC

Cet article est l’un des premier à mettre en évidence le rôle indispensable des boutiques de vape pour aider les fumeurs à arrêter le tabac. Par une analyse qualitative réalisée par des entretiens avec des vapoteurs et par des études d’observation en boutique, les auteurs ont mis en évidence un certain nombre d’atouts et de faiblesses.

Le premier atout est que pour la majorité des fumeurs, le fait d’avoir facilement accès à une boutique plutôt que de passer par un parcours médicalisé est indéniablement un plus (près de 80% des fumeurs arrêtent habituellement sans aide). A condition cependant que le comportement des vendeurs et des clients à l’intérieur de la boutique ne fasse pas immédiatement tourner les talons à un fumeur venant pour la première fois demander conseil (comme cela est observé dans l’étude, il vaut mieux éviter les gros nuages dans une boutique car cela est très déstabilisant pour un primo-accédant).

Le conseil adapté à un débutant est primordial dans une boutique de vape, c’est cette clientèle de primo-accédants qui fait la réputation et le succès d’une boutique, car la seule façon de se faire de la « publicité » c’est d’offrir le meilleur service possible afin que les clients se sentent en confiance et aient envie de revenir et d’y envoyer leurs connaissances.

Il faut aussi pour cela savoir quel type de matériel et de liquide proposer (pour la plupart un tirage serré et un fort taux de nicotine) à quel type de fumeur. Cela ne s’invente pas, mais nécessite une pratique de terrain. Prendre en charge un débutant nécessite 30 à 45 minutes de conseil lors du premier contact, et un suivi rapproché au début pour parer aux erreurs et répondre aux questions qui sont nombreuses au début.

Les conseiller en vente des boutiques de vape ne sont pas des professionnels de santé, mais ils sont des acteurs de santé, car ils peuvent sauver des millions de vies. C’est pour cette raison que j’ai mis en place une formation qui leur est destinée, mais qui est aussi destinée aux professionnels de santé, aux journalistes ou aux éducateurs (en manque de connaissances sur la vape).

Il est, à mon avis, nécessaire de bien connaître ce qu’est la vape, la nicotine et comment l’utiliser au mieux en rassurant le fumeur qui en a peur et veut s’en débarrasser au plus vite (parce que cela fait plus de 30 ans qu’on l’incrimine au lieu d’incriminer la fumée et la combustion), mais aussi comprendre la dépendance au tabac et le comportement du fumeur (chaque fumeur est différent, on ne peut pas se baser uniquement sur sa propre expérience).

Cette formation est à la fois théorique et pratique (je passe des journées entières dans des boutiques de vape à conseiller les débutants, ce qui nourrit mes formations), et est toujours très bien accueillie par ceux qui l’ont suivi (278 personnes à ce jour), comme l’attestent les commentaires recueillis en fin de formation par un questionnaire (ex : Cela permettra de conforter mon discours auprès de ma clientèle et de sûrement mieux évaluer leurs besoins). La majorité des conseillers en vente sont d’anciens fumeurs ayant arrêté avec la vape, ils ont souvent aussi peur de la nicotine, car ils ne la connaissent pas bien.

Enfin, comme l’article le souligne, il est important pour les professionnels de santé de faire connaissance avec les boutiques qui sont dans leur entourage, car elles peuvent être des référents « utilisateurs-experts » très utiles. Les boutiques reçoivent d’ailleurs de plus en plus de fumeurs envoyés par un professionnel de santé.