Une société italienne mandatée par la Commission européenne tente d’évaluer l’impact de la taxation des produits du vapotage sans se préoccuper des effets de santé publique. SOVAPE refuse de participer et en explique les raisons.

Mandatée par la Direction des taxes et des douanes de la commission européenne (DG TAXUD), une société de conseil italienne a récemment contacté SOVAPE ainsi que d’autres associations européennes de réduction des risques et de consommateurs pour soumettre à leurs membres un questionnaire sur la taxation des dispositifs de vapotage (pdf). Cette société mène cette étude de marché en parallèle de la consultation publique de la Commission. Estimant que ce questionnaire ne permet pas d’exprimer les intérêts des défenseurs d’une approche globale de réduction des risques – ni ceux des consommateurs – SOVAPE a refusé de participer à cette étude et a détaillée ses raisons à cette société.

Chère Madame,

Nous vous remercions de nous avoir contacté pour collecter l’avis des membres de l’association SOVAPE. Cependant, les orientations paradigmatiques qui sous-tendent votre questionnaire ne nous semblent pas appropriées pour permettre l’expression la plus précise et intelligente des intérêts de défenseurs d’une approche globale de réduction des risques qui caractérise notre association. C’est pourquoi nous avons décidé de ne pas répondre aux questions posées et de vous exposer nos motivations.

Nous avons, par exemple, cherché en vain la partie du questionnaire concernant l’impact social, notamment sur les classes populaires, d’éventuelles taxations, ainsi que des questions qui permettraient d’évaluer cette question. Le tabagisme frappe particulièrement les groupes sociaux défavorisés économiquement. Évaluer les effets d’une répression taxative d’une alternative à risque réduit devrait prendre en considération son impact en termes de justice sociale.

Sur ce point, des situations dramatiques qui nous ont été rapportées de pays ayant mis en place des taxations anti-vape, nous inquiètent. Une étude sur l’impact de santé publique et social des politiques portugaise, italienne et hongroise entre autres, sur ce sujet seraient probablement éclairant. A notre connaissance, elles maintiennent ou relancent le tabagisme en privant la population d’un accès facile et à prix correct de ce moyen de réduction des risques favorable à leur état de santé et de bien-être.

Une étude d’impact préalable à toute prise de décision dans ce domaine est nécessaire.

Nous n’avons pas vu de question permettant une évaluation de l’impact financier et macro-économique des améliorations de santé pour les usagers s’étant converti à des modes de consommation à risque réduit tel que le vapotage.

Nous ne comprenons pas l’origine des taux de taxation évoqués pour un produit de consommation courante, ne contenant pas de tabac et n’ayant pas l’impact sanitaire négatif des cigarettes.

L’impact du message d’une introduction de taxe punitive contre les personnes optant pour le vapotage nous paraît également devoir être pris en considération. A double titre, une telle mesure risque fortement de brouiller une compréhension claire des niveaux de risques relatifs entre les produits, et de tromper le public en assimilant le vapotage aux véritables produits du tabac. Les messages de santé publique concernant le tabagisme pourraient s’en trouver minés. Un questionnaire sur la taxation ne devrait pas faire l’économie de ces aspects qui ont des effets économiques à travers leur impact social.

Le risque d’une perte de confiance du public sur les motivations des autorités à introduire des taxes comportementales devrait également être évalué en cas de taxe punitive contre un produit considéré par beaucoup comme une aide à la sortie du tabagisme.

Nous aurions aussi aimé trouver des questions sur l’utilisation d’une partie des taxes sur les cigarettes de tabac pour soutenir le report modal du tabagisme vers des solutions à risque réduit dans une logique d’empowerment des usagers par les usagers, à travers leurs organisations de réduction des risques.

Dans l’ensemble nous n’avons pas perçu dans ce questionnaire qu’il prenait en considération sérieusement la possibilité d’une politique pour soutenir le vapotage et une amélioration des conditions de santé de la population en Europe par des incentives financières envers les usagers du vapotage et les groupes de soutien.

La population et l’économie de l’Union Européenne souffrent de maladies, parfois lourdement incapacitantes, liées au tabagisme. Elles souffrent également d’un ensemble de troubles psychiques, de manière plus ou moins prononcée, dont une partie peut être soulagée par la consommation de nicotine. A commencer par le plaisir et la détente que procurent sa consommation. Ce sont des aspects qui nous paraissent incontournables pour évaluer avec rigueur ce dossier. Leur absence nous surprend.

Nous sommes très honorés d’avoir reçu votre invitation à participer à ce questionnaire, mais tel qu’il se présente nous sommes au regret de ne pouvoir y répondre. Ses lacunes n’augurent pas d’une évaluation objective et fine de la problématique. Nous préférons donc nous contenter de vous faire parvenir ces quelques remarques.

Bien cordialement,

Nathalie Dunand
SOVAPE

CC : DG TAXUD